🎓 Calculatrice TI-83 : le racket organisé qui a traumatisé une génération

🎓 Calculatrice TI-83 : le racket organisé qui a traumatisé une génération
LA CALTO OBLIGATOIRE qui a vidé les comptes bancaires de toute une génération. 200€ sur la liste de fournitures, non négociable, monopole Texas Instruments en mode mafieux. Billets qui volent, profs qui imposent, parents qui pleurent, lycéens pris en otage. L'arnaque éducative la plus rentable des années 90-2000. Écran LCD qui brille comme un rappel constant de ton endettement. Peak capitalisme scolaire. 🧮💸📐

Septembre 1996, quelque part en terminale S. Le prof de maths débarque avec la liste. Pas celle des fournitures normales — celle qui va te coûter l'équivalent de trois mois d'argent de poche : « Calculatrice graphique TI-83 obligatoire ». Pas de négociation, pas d'alternative, pas de « je peux prendre la Casio moins chère ». Non. Texas Instruments avait le monopole, et tout le monde le savait.

La TI-83 n'était pas juste une calculatrice. C'était un rite de passage, un objet de convoitise, une console de jeu déguisée en outil pédagogique et surtout : le racket le mieux organisé de l'histoire de l'éducation nationale. Vendue 120€ en 1996 (180€ aujourd'hui ajustés), cette brique grise avec son écran monochrome 96×64 pixels était exactement au même prix en 2015. Oui, tu as bien lu : même techno, même prix, pendant 20 ans.

Mais au-delà du scandale économique, la TI-83 était aussi un putain d'outil : programmable en BASIC, modifiable à l'infini, avec une scène underground de jeux cachés qui faisait passer les heures de maths pour du gaming furtif. Alors oui, Texas Instruments t'a rackété. Mais avoue : tu as quand même passé plus de temps à jouer à Tetris qu'à résoudre des intégrales.


Texas Instruments : de la calculatrice militaire au monopole lycéen

Texas Instruments, c'est pas une startup de garage. Fondée en 1951, la boîte texane commence par fabriquer des composants militaires pour l'armée américaine (transistors, circuits intégrés). Dans les années 70, TI se lance dans l'électronique grand public avec un coup d'éclat : la première calculatrice de poche commercialisée en masse, la Datamath (1972).

Mais c'est dans les années 80 que TI comprend le jackpot : le marché éducatif. Pourquoi vendre des calculatrices à des adultes qui en achètent une fois dans leur vie, quand tu peux vendre à des lycéens captifs tous les ans via des programmes scolaires obligatoires ? Le plan est simple :

  1. Créer une calculatrice graphique plus puissante que la concurrence
  2. Convaincre les profs de maths qu'elle est indispensable
  3. Imposer le modèle via les listes de fournitures officielles
  4. Maintenir le prix artificiellement haut pendant 20 ans (zéro inflation, zéro baisse de coût de production)

En 1990, TI sort la TI-81, première calculatrice graphique programmable grand public. Puis en 1996, la TI-83, qui devient le standard mondial de l'enseignement mathématique. Résultat : un quasi-monopole sur le marché français, américain, canadien. Casio tente bien de résister avec ses Graph, mais TI a déjà infiltré les programmes scolaires.


Le monopole éducatif : comment TI a piraté l'Éducation nationale

Le génie machiavélique de Texas Instruments, c'est pas la techno — c'est le lobbying. Dès les années 90, TI inonde les rectorats de formations gratuites pour profs de maths. Le pitch : « Nos calculatrices permettent d'enseigner les fonctions graphiques de manière interactive ». Sous-texte : « Si vous imposez nos modèles, on vous file des workshops gratuits et du matos de démo ».

Le boss final des cours de maths. Écran LCD bleuté, boutons bien gras, logo Texas Instruments en mode flex. Cette calto grise a traumatisé plus de lycéens que le bac lui-même. Icon status. 🧮⚡

Résultat : la TI-83 devient obligatoire dans les listes de fournitures de terminale S. Pas « recommandée ». Obligatoire. Tu pouvais pas passer le bac avec une Casio Graph 35 (pourtant compétente), parce que les exercices du bac étaient calibrés pour l'interface TI. Les profs avaient leurs fiches pédagogiques TI. Les annales de bac avaient des captures d'écran TI. C'était un écosystème fermé, et tu étais dedans de gré ou de force.

Le scandale, c'est que pendant 20 ans (1996-2015), la TI-83 est restée au même prix (~120€), alors que :

  • La puissance de calcul a été multipliée par 1000 dans l'industrie
  • Les écrans LCD sont devenus quasi-gratuits
  • Un smartphone à 100€ avait 500× la puissance d'une TI-83

Pourquoi ce gel des prix ? Parce que TI avait le monopole, et qu'un marché captif (lycéens obligés d'acheter) n'a aucune élasticité prix. Tu paies ou tu redoubles. Point.

En 2015, le site The Verge publie une enquête explosive : « Why are graphing calculators still so expensive? ». TI répond mollement que « le coût de R&D justifie le prix ». Sauf qu'il n'y avait aucune R&D : la TI-83 de 2015 était strictement identique à celle de 1996. Même processeur Zilog Z80 cadencé à 6 MHz, même 32 Ko de RAM. Un iPhone 6 de l'époque avait 4 millions de fois plus de RAM.


Les modèles cultes : du TI-82 au TI-89 Titanium

Texas Instruments a sorti une flopée de modèles dans les années 90-2000, mais quelques-uns sont restés dans les mémoires (et les cartables).

TI-82 / TI-83 / TI-83 PLUS - L'évolution (ou pas)
ModèleAnnéePrixRAMÉcranPourquoi culte ?
TI-821993~100€28 Ko96×64 pxPremier modèle graphique accessible, programmation BASIC
TI-831996~120€32 Ko96×64 pxLe GOAT du lycée français, standard bac S pendant 20 ans
TI-83 Plus1999~130€32 Ko96×64 pxTI-83 avec port USB (!) et apps téléchargeables
TI-84 Plus2004~140€480 Ko96×64 pxVersion dopée, mais toujours le même Z80 à 6 MHz
TI-89 Titanium2004~180€2,7 Mo160×100 pxLa Rolls des caltos, calcul formel, interdite au bac français (trop puissante)

TI-83 vs TI-83 Plus : la fausse upgrade

En 1999, TI sort la TI-83 Plus avec un argument marketing massue : le port USB. Enfin, tu pouvais connecter ta calculatrice à ton PC Windows 98 pour télécharger des programmes, des jeux, des apps. Révolutionnaire ? Pas vraiment.

Pourquoi ? Parce que :

  1. Le processeur était toujours le même Z80 à 6 MHz (processeur de 1976, oui)
  2. La RAM était toujours 32 Ko (un SMS prenait moins de place)
  3. L'écran était toujours 96×64 pixels monochrome
  4. Le prix avait augmenté de 10€ pour un câble USB

La TI-83 Plus était une fausse innovation, mais elle a créé un écosystème de partage : sites web de jeux TI, forums de programmation BASIC, tutoriels de mods. C'était la préhistoire du hacking hardware, et c'était fascinant.

TI-89 Titanium : la bête interdite

La TI-89 Titanium (2004) était la Ferrari des calculatrices. Processeur Motorola 68000 à 12 MHz (celui de l'Amiga 500, tiens), 2,7 Mo de RAM, écran 160×100 pixels, et surtout : calcul formel. Elle pouvait résoudre des intégrales symboliquement, factoriser des polynômes, simplifier des équations. C'était une centrale nucléaire dans ton sac à dos.

Finition silver, QWERTY complet, écran géant, résout tout automatiquement. Tellement cheatée qu'elle est bannie des exams. La Rolls des caltos. Interdit = désirable. 👑🚫

Le problème ? Elle était trop forte. L'Éducation nationale française l'a bannie du bac en 2009, jugeant qu'elle donnait un avantage déloyal. Résultat : la TI-89 est devenue un objet de fantasme pour les matheux, un peu comme le Commodore 64 pour les codeurs : puissante, culte, mais interdite en compétition officielle.


Le marché noir lycéen : jeux, prêts et revente

La TI-83 à 120€, c'était un investissement pour un lycéen de 1998. Résultat : un marché parallèle s'est développé dans les bahuts français.

1. Le prêt entre potes (avec otage)

Tu avais oublié ta TI chez toi le jour du DS ? Pas de panique, ton pote te la prêtait contre ta carte Pokémon holographique Dracaufeu. Le deal était clair : je récupère ma calto à la fin du DS, tu récupères ton Charizard. Pas de calto = pas de Charizard. Économie de troc niveau 1000.

2. La revente d'occasion (inflation inversée)

Phénomène unique dans l'histoire de l'électronique : une TI-83 d'occasion se vendait parfois plus cher qu'une neuve. Pourquoi ? Parce qu'elle était déjà chargée de jeux (Tetris, Mario, Phoenix, Block Dude) et de programmes de triche (résolution d'équations, formules pré-enregistrées). Tu payais pas la calculatrice, tu payais le package underground.

Sur les forums TI-Bank et TI-Planet (encore actifs aujourd'hui), un marché gris s'organisait : échange de programmes, ROMs de jeux, tutos de hack. C'était le Napster des calculatrices.

3. Les jeux cachés (le vrai game changer)

La TI-83 était programmable en BASIC, ce qui signifie que n'importe quel lycéen motivé pouvait coder ses propres jeux. Les classiques :

  • Phoenix : clone de Space Invaders, le jeu le plus téléchargé de l'histoire TI
  • Block Dude : Sokoban en noir et blanc, addictif comme pas permis
  • Tetris : parce que Tetris, évidemment
  • Mario : platformer 2D qui faisait ramer le Z80, mais qui tournait
  • Drug Wars : simulation de trafic de drogue (oui, vraiment), culte absolu
Phoenix en cours de maths = rebellion ultime des années 2000. Pixels cracra sur écran LCD, vaisseau qui tire, profs en PLS. Le marché noir lycéen avait une valeur : ce jeu. Legend. 🚀👾"

Le truc génial ? Ces jeux étaient invisibles pour les profs. Tu les planquais dans un dossier « MATH », et pendant le cours, tu faisais semblant de réviser tes intégrales alors que tu dégommais des aliens. Le cours de maths est devenu une salle d'arcade silencieuse.


Programmer sa TI-83 : le BASIC avant Python

La TI-83 a été la première expérience de code pour toute une génération. Avant Python, avant JavaScript, il y avait TI-BASIC : un langage de programmation simplifié directement intégré dans la calculatrice.

Pourquoi c'était génial ?

  • Zéro installation : tu allumais ta TI, tu appuyais sur PRGM, et tu codais
  • Feedback immédiat : tu écrivais une boucle For, tu l'exécutais, ça marchait (ou pas)
  • Courbe d'apprentissage douce : syntaxe simple, pas de pointeurs, pas de gestion mémoire
  • Créativité débridée : tu voulais un jeu ? Tu le codais. Tu voulais tricher au DS ? Tu le codais.

Un exemple de code TI-BASIC typique (affichage d'un carré qui se déplace) :

Copy:ClrHome
:0→X
:0→Y
:Repeat K=45
:getKey→K
:If K=24:Then
:Y-1→Y
:End
:If K=26:Then
:Y+1→Y
:End
:Output(Y,X,"■")
:End

C'était rudimentaire, mais fonctionnel. Et surtout : ça apprenait les bases de la logique algorithmique (boucles, conditions, variables) sans avoir besoin d'un PC. Le Commodore 64 avait fait ça dans les années 80 avec le BASIC intégré, la TI-83 l'a fait dans les années 90 dans les cartables.

L'assembleur Z80 : le niveau hardcore

Les vrais nerds allaient plus loin : ils codaient en assembleur Z80. Là, on parlait de programmes ultra-optimisés, avec des jeux en 3D filaire (genre Doom en noir et blanc), des démos graphiques hallucinantes, et même des émulateurs Game Boy (oui, vraiment). Le site ticalc.org (encore en ligne aujourd'hui) recensait des milliers de programmes ASM.

Pourquoi c'était hardcore ? Parce que l'assembleur Z80, c'est le langage machine brut. Tu manipules directement les registres du processeur, tu gères la mémoire octet par octet. C'était du code de sauvage, mais putain que c'était formateur.


Pourquoi la TI-83 vaut encore quelque chose aujourd'hui

En 2025, la TI-83 est obsolète techniquement (ton smartphone est 100 000× plus puissant), mais elle reste culte culturellement. Pourquoi ?

1. Nostalgie générationnelle

Toute une génération de 25-40 ans a grandi avec. La TI-83, c'était le premier objet tech « à toi », avant le portable, avant l'ordinateur. Elle traînait dans ton sac, elle prenait des coups, elle avait des piles qui fuyaient, mais elle marchait toujours. C'était du increvable.

2. Scène rétro-computing active

Les communautés TI-PlanetCemetechticalc.org sont toujours actives en 2025. Des codeurs nostalgiques créent encore des jeux, des outils, des mods. Il existe même des clones open-source de la TI-83 (comme KnightOS), des émulateurs en ligne, des archives complètes de programmes.

3. Valeur de collection (modérée)

Une TI-83 en bon état se vend entre 30€ et 60€ sur eBay. C'est pas le jackpot, mais c'est 3× plus cher qu'une calculatrice scientifique moderne équivalente. Les modèles édition limitée (TI-83 Plus Silver Edition, TI-84 Plus couleur) montent à 80-100€.

Les TI-89 Titanium sont les plus recherchées (80-120€), car elles restent utilisées en prépa et école d'ingé (calcul formel autorisé dans le supérieur).

4. Objet d'étude en histoire de la tech

La TI-83 est un cas d'école en économie, marketing, et design. Elle illustre :

  • Le monopole captif (comment exploiter un marché sans concurrence)
  • Le gel de l'innovation (pourquoi innover si tu contrôles déjà le marché ?)
  • La programmabilité comme subversion (les lycéens ont détourné l'outil pédagogique en console de jeu)

Des thèses universitaires, des articles de The Verge, du New York Times, de Ars Technica analysent encore le "phénomène TI-83". C'est un artefact culturel autant qu'un produit tech.


Verdict : racket de génie ou outil de formation ?

La TI-83 est un paradoxe fascinant. D'un côté, c'est le racket le plus abouti de l'histoire de l'électronique grand public : une entreprise qui a maintenu un prix artificiellement haut pendant 20 ans sur un marché captif, sans innovation, grâce à un lobbying agressif auprès des institutions éducatives. C'est immoral, et ça a coûté des milliards aux familles.

De l'autre, c'est un outil de formation exceptionnel. La TI-83 a initié des millions de lycéens à la programmation, à la pensée algorithmique, à la bidouille hardware. Elle a créé une scène underground de codeurs passionnés, de jeux partagés, de forums d'entraide. Elle a été le premier contact avec l'informatique pour toute une génération avant l'ère des smartphones.

Alors oui, Texas Instruments t'a rackété. Mais avoue : tu as appris à coder dessus, tu as joué à Phoenix en cachette pendant les cours, et tu te souviens encore du bruit du clavier. La TI-83 était chère, mais elle était aussi culte. Et ça, aucun iPhone ne peut le remplacer.